VOIX CRITIQUES
Quoiqu’il en Coûte…Quoiqu’il Nous en Coûte ?
Aujourd’hui le type d’organisation de la société capitaliste ne peut fonctionner qu’en oppressant, voire en étouffant tous les rouages qui la composent : les enseignants, le corps médical, les chercheurs, voire sa propre administration.
Cela n’est pas nouveau certes mais cette pression de tous les instants a son origine dans le dogme que cette organisation managériale s’est donnée pour planifier ce qu’elle estime être sa finalité dernière : la rentabilité maximale et le dégagement d’une plus-value elle aussi maximale. Ce dogme s’énonce ainsi : zéro papier, zéro stock, tout à flux tendu etc.
Ce raisonnement fait la chasse au reste à charge de l’Etat, si l’on considère que l’Etat est une” Start up Nation” (pour reprendre les mots de notre président), une sorte de machine à générer du cash pour les amateurs, les armateurs du CAC 40. Ce reste à charge est le non profitable, le dormant, tout ce qui n’est pas immédiatement convertible en profits, qui coûte donc à cet Etat pour son entretien, qui a clairement opté pour son soutien à ce néo capitalisme débridé.
L’hubris de ce mode de gouvernance suppose que la contrainte ne doit pas porter sur nos capitalistes qu’il faut ménager tout en exigeant que ce cadre de pensée subsiste quel que soit les circonstances. Il faut que ce schéma directeur de toutes les actions profitables pour les actionnaires soit en état de marche même si le réel frappe à la porte.
Le tsunami viral que nous connaissons depuis 2 ans fait partie de ce type de réel qui ne doit en rien faire dévier nos apprentis sorciers du CAC 40. Si débordement il y a, nos métiers d’enseignants, de chercheurs, du corps médical voire nos artistes se doivent d’absorber ce trop-plein de tension.
Il n’est pas question de remettre en cause le schéma de base décrit plus haut. Rien ne doit retarder cette ligne de pensée. Dans ce contexte de souffrance généralisé, mais pas pour tout le monde, l’exemple de la tablette de détergent, le 3 en 1, permet de se faire une idée de la demande qui nous vient d’en haut pour “résoudre” ce type de difficultés, demande venant du Château comme aurait pu le dire un Franz Kafka.
Cela donne par exemple : plus assez de lits pour les patients du covid, car plus 100.000 lits ont été supprimés (toutes spécialités confondues) pour cause de rentabilité ? Qu’à cela ne tienne, la solution réside dans la suspension des autres soins à donner aux malades en attente, qui d’une opération, qui d’une chimiothérapie, d’une hospitalisation en psychiatrie etc.
Les professionnels, à leur poste, vont évidemment se démultiplier afin de remplacer les absents, non pas ceux qui restent chez eux mais les non formés depuis des décennie par mesure d’économie. Le choix de ne pas créer des nouveaux lieux pour prendre en charge les victimes de cette pandémie est clairement énoncé. Rentabilité oblige.
Il faut y voir aussi une probable stratégie pour annoncer au monde du privé que ces domaines publiques que sont l’enseignement, la santé, la justice, la culture sont dans la ligne de mire des investisseurs qui se préparent à rentrer dans ces nouveaux champs à exploiter afin d’en tirer les profits escomptés.
Donc maintenir l’existant à flot, et faire endosser l’insupportable aux professionnels de ces champs bientôt privatisés. Le célèbre “Quoi qu’il en coûte” du président doit être compris ainsi : le coût du maintien en vie de ce système capitaliste débridé sera supporté par les professionnels en attendant le bon moment de privatisation de ces domaines évoqués et beaucoup de nos concitoyens en font déjà les frais afin d’épargner les premiers de cordée, Start up Nation oblige.
Ce système joue aujourd’hui sa survie coincée entre la crise sanitaire et la crise climatique. Il fera tout pour écraser les changements nécessaires qui contrediraient ses fondamentaux.
Quoi qu’il en coûte c’est à dire jusqu’à écraser ceux qui s’opposeraient à sa survie. C’est le dos au mur qu’il se trouve notre système capitaliste. A suivre et à réagir en conséquence.
Emile Rafowicz